L’océan transporte avec lui un ensemble de mythes, de croyances, de récits populaires, mais aussi ce sentiment de grandeur impalpable, incontrôlable.
Ne nous mentons pas, il est très rare de fantasmer sur un océan. Alors finalement comment y parvenir ? Comment modifier nos schèmes de pensée, nous sortir de notre univers fantasmagorique anthropocentré ? Comment jouir de l’inimaginable ? Mais avant tout, l’océan c’est quoi pour toi, pour moi ?
Développer mon imaginaire
Pour construire ma représentation de l’océan il m’a fallu passer du temps à détricoter le fil d’Ariane de mon imaginaire. J’ai d’abord commencé à noter mes associations d’idées : grand, bleu, beau, baleine, poisson, requin, vagues, etc.
Devais-je être prise par les vagues, ou prise par l’eau, sous l’eau ? L’océan serait-il vivant et accompagné de sa faune océanique, ou bien silencieux et vide, immense ?
Durant plusieurs semaines, je me suis laissée bercer par le bruit tendre des vagues, de l’eau,ou les chants des baleines dans mon sommeil. J’ai retranscrit par écrit mes moindres pensées sur l’océan. Par ailleurs, j’ai entrepris de suivre des informations liées à la vie sous-marine, via les réseaux sociaux, ou les ONG.
Ce qui est intriguant dans cette expérience, c’est que notre imaginaire de corrobore pas nécessairement avec la réalité, des fois j’avais des couleurs violettes ou jaunes qui remplaçaient le bleu de l’océan, j’inventais des poissons, je personnifiais l’océan en lui prêtant des intentions à mon égard, un langage, un voix masculine, je lui donnais même un caractère charmant, colérique, indifférent en fonction de mes envies.
Ma boîte de Pandore
Chaque nuit, chaque réveil, chaque masturbation, chaque instant nourrissait peu à peu mon imaginaire, il vint un jour où celui-ci débordait jusqu’à me prendre l’esprit et le corps tout entier.
Ce qui était à la base une expérience “pour la science”, comme j’aime à le dire, est devenu une expérience personnelle introspective et jouissive.
Je vous livre ici, non sans difficulté, certaines de mes retranscriptions, bienvenue dans mon inconscient, au creux de l'intimité de mon imaginaire.
Première nuit “Le chant des baleines”
“Je dois bien passer au moins 1h00 à trouver la musique sous-marine qui me permettra de partir en trance océanique, j’hésite entre des simples bruits d’eau et de bulles, et un univers marin vivant.
Mon choix s’arrête finalement sur 8h de Whales and underwater sounds, mon affection pour les baleines, me renvoyant déjà à une certaine sensation de grandeur, d’immensité, de virtuosité et d’apaisement.
En m’endormant, j’essaye d’imaginer est ce que j’ai envie que ces baleines se rapprochent ? Est ce que je souhaite qu’elles partagent ce moment intime avec moi et l’océan ? Ou font-elles parties d’une sorte de barrière de protection qui me permettrait de vivre pleinement mon expérience océanique, sans peur d’être “surprise” ? Une sorte de chant “tout va bien laisse toi aller, abandonne toi”, je pars sur cette idée, et je caresse la sensation d’être plongée sous l’eau, alors même que je suis sous la couette.
Des images de poulpes géants me viennent (probablement due au dernier reportage vu sur le monde sous-marin), des poissons, peut-être que ça serait bien si des poissons me chatouillaient les seins et le corps en même temps que l’océan me prendrait ? Le bruit de l’eau m’apaise, j’ai l’impression de plonger dans le grand bleu, de me détendre, comme si j’étais coupée de l’univers, un sentiment de plénitude.
J’ai probablement dû mettre 20 min à m’endormir, je me rappelle avoir pensée “demain je dormirai avec un crayon et un papier pour écrire en dormant, ou allongé”, puis j’ai profité.
Cette nuit mes rêves ont étés “liquides”, ils me sont glissés dessus sans que je ne puisse en saisir aucun, ce qui est rare car je rêve toutes les nuits et je me rappelle quasiment de tous mes rêves.”
Une nuit “Sous l’océan”
"Je m’isole dans un cocon de bois fabriqué main, univers anticonformiste une cabane dans un appartement, de la dub résonne dans l’appartement, qui appelle d’ors et déjà à plonger dans un autre univers. Je branche mes écouteurs, et trouve une autre piste audio Underwatersound, l’eau est plus vive, et le bruit plus profond que la piste audio des nuits dernières.
Sa force me plonge automatiquement 20 m dans les profondeurs de l’océan. Des coraux, du bleu roi, très bleu, des vagues que j’imagine en pleine euphories à la surface. Je plonge rapidement dans le sommeil avec la sensation d’être réellement sous l’eau. Nuit complète, profonde.”
Nuit “dans la tempête”
“Cette nuit, je décide de mettre une piste audio Ocean-orages, avec le bruit de l’océan agité. Cette piste audio est extraordinaire, il ne me faut pas moins de 3 minutes pour me retrouver mentalement sur un bateau en pleine mer. Même les yeux ouverts j’ai l’impression que la chambre tangue.
J’imagine être dans une cabine et ressentir le bateau qui se soulève et s’écrase contre les vagues immenses. De l’eau coule sous mon lit, gluante (bizarre), le bateau est inondé, je sens l’eau qui coule dans le lit et les vagues au dessus de la couverture, je suis en plein milieu de l’océan, et j’imagine ce que ma soeur, qui traverse actuellement l’atlantique en voilier, peut ressentir, et a pu ressentir lors de la dernière tempête les ayant fait divaguer durant plusieurs heures - sailingpelikaan- .
Des milliers de pensées, de récits, d’images de pirates, de voyages traversent mon esprit, et je suis étrangement bien dans ce cocon loin de tout. C’est réellement la meilleure piste audio que j’ai mise depuis le projet InBedWithOcean, et cela décuple mon imagination. Je repense aussi à mes expériences sous l’eau, j’imagine parfois plonger et retrouver le calme, la sensation de gravité, pour remonter à la surface à cause du mouvement des vagues, et reprendre la tempête, le grondement du tonnerre et l’ambiance de l’océan déchaîné.
J’imagine aussi pour le projet, une transition entre InBedWithOcean et InBedWithStorm, je pense à la notion d’univers globale, l’aspect imprévisible. Je réfléchi sans trouver de réponse à la question : “est ce que c’est l’imprévisibilité de l’immatérialité universel des éléments naturels qui peut décupler la sensation orgasmique/sensuelle/corporelle, ou bien est-ce l’élément naturel en lui même : il y a quelque chose de profondément vivant dans le chaos, qui en soi désigne les choses que l’on ne peut pas contrôler, et cette force, ferveur, qui se dégage de ces événements naturels nous rend notre place réelle dans l’univers, un élément parmis + l’infini d’autres.
Dans l’amour et le désir il y a justement ce chaos qui persiste, qui nous pousse justement à parfois en souffrir, car nous n’avons pas la main mise sur ce domaine, c’est le désir qui s’impose à nous, qui nous force dans une direction, une sorte d’élan de vie, en mouvement. La standardisation des rapports amoureux, sexuelles, n’a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais. Car nous essayons de structurer, standardiser, énoncer des lois universelles, dans un domaine qui n’a ni loi, ni frontière, ni limite, et parfois ni raison.”
Une nuit symphonique avec Debussy
“Ce soir j’avais envie de m’inspirer de musique classique tout d’abord avant de partir sur une piste audio underwater, j’écoute donc plusieurs symphonies : Rubinstein et Vaughan-williams en passant par Debussy.
Certaines sont assez inspirantes, nous imaginons assez bien les métaphores de l’océan que transcrivent les notes et les vocalises de ces symphonies. Il faut dire que de tout temps l’océan a inspiré les artistes. Je me replonge donc avec la piste audio Thunderstorm puis au bout d’un certain temps je reprends tranquillement ma combinaison de plongée pour underwater sound, tranquillité. Je m’endors rapidement.
Les pistes audios font leur effet, je me sens déjà habituée à m’endormir avec ces bruits de fond, et bizarrement j’imagine ce que cela sera quand j’arrêterai l’expérimentation. Il ne me semble pas avoir rêver de quoi que ce soit cette nuit, ni d’avoir eu des pensées autres que “le grand bleu”.”
Nuit “au bord de l’eau en vacance”
“Cette nuit, je décide d’écouter une piste audio, de vagues tranquilles, type paysage de bord de mer en Guadeloupe, sable blanc et cocotiers, ambiance vacances. Je ressens la chaleur du soleil, et l’effet des vagues en bord de plage, la sensation du sable. J’arrive très bien à m’imaginer avoir des sensations sensuelles avec l’environnement naturel qui m’entoure, c’est principalement sur la chaleur que se focalise mon attention. Je me “repose” et ressent l’ambiance “calme et détendu” que l’on ressent en vacances à l’autre bout du monde. Je m’endors rapidement.”
Nuit “avec Van Gogh”
“Cette nuit, j’ai remis la piste audio “thunderstorm in ocean”, j’ai passé la nuit à penser à la nuit étoilée de Van gogh version océanique, d’ailleurs dans mes pensées c’était une peinture de vagues. Des images de peintures me traversent l’esprit, et je tombe rapidement dans un sommeil profond.”
Nuit “au pays de l’imaginaire”
Je débute la nuit à 05h du matin, après une soirée très réussie, avec un musique découverte au Laos en novembre dernier “Underwater Love”, cette musique me replonge aussitôt dans mes souvenirs. Je me laisse donc embarqué dans ces souvenirs, ou l’eau translucide turquoise, se transforme en gel pailleté, ou je ressens la gravité terrestre, et comprends alors le cours du monde, le mouvement de l’eau, notre position par rapport à elle. Je ressens encore, les sensations d’émerveillement qui ont accompagné ce moment et je revoie les algues, le sable se transformer dans mes mains sous mes pieds en formes géométriques mobiles mais tellement bien assemblées, organisées dans un sorte de Kaléidoscope géant. Je replonge dans mes rêveries et ma plus grande peur jamais vécu sur un océan, un retour très difficile vers la terre ferme. L’océan est immense, imprévisible, gras, il est “impénétrable”, comme un sol qui bouge, une sorte de bâche, sans que l’intérieur ne puisse être accessible, je me rappelle de la peur que j’ai eu de me laisser emporter par celui-ci, comme si il m’attirait vers le large et le fond. Ces visions sont entrecoupées de la beauté de celui-ci, le couché de soleil sur le mouvement de l’eau, sa surface brillante comme “étoilée”, probablement le plus beau couché de soleil sur l’océan. Je repense aux vagues et à la pression de la gravité qui même arrivé sur la plage, me tirait avec une force incroyable vers l’océan, la pente de sable et les énormes vagues qui se retirent et reviennent me chercher. Ce soir l’océan est plein de souvenir, et d’émotions. Je commence à être facilement happée dans mes pensées par le milieu océanique.
Réveil “caresses océanique”
Je rallume mon écran pour écouter Underwater sounds, de simple bruits d’eau. J’essaye de fantasmer, c’est assez difficile, je pense à de grosse bulles, qui éclatent entre mes jambes, et me font vibrer , et des sensations de petites bulles comme lorsque l’on se met au dessus des plongeurs sous-marins. Je me concentre, je vois du bleu mais aussi du rose, orangé dans l’eau, comme un fluide de lumière, l’eau est vraiment bonne, chaude mais pas trop, c’est presque comme si la température de l’eau la dépossédée de sa texture, elle pourrait être “air”, sentiment de gravité, je ne pense pas une seule seconde à la question de “respirer sous l’eau”, dans ce monde océanique subjectif je vole dans l’eau en quelque sorte.
Bref, je me concentre sur la masturbation tout en imaginant des bulles, et l’océan ainsi que ces mouvements grâce à l’écoute. L’excitation monte, interrompue par un visiteur. J’attends, me déconcentre.
L’excitation est encore forte, je me retrouve à nouveau seule, j’attends. Au départ j’attends pour être sûre de pouvoir replongée, mais à fur et à mesure, je comprends l’intérêt d’attendre, de désirer reprendre, replonger dans mon univers océanique, doublement excitée par le projet en lui-même, de voir si j’arrive à fantasmer sur l'océan, mais aussi m’amener à jouir de ces fantasmes. J’attends, et je suis de plus en plus excitée, je pense au réflexe Pavlovien, je me dis “tu vois ce bruit, tu vois tout ce désir, et bien ils vont ensemble”, j’ai de plus en plus envie d’y retourner mais j’essaye de fantasmer sans me toucher. Puis une voix vient dans ma tête, une voix d’homme - j’avais testé il y a plusieurs années l’hypnose 360 3D, et j’adorais la voix de l’homme dans cette vidéo/écoute [...], cette voix c’est celle de l’océan, qui me dit ce qu’il va me faire, qui me décrit comment il me prend fort, qui me demande et affirme que j’aime ça. Et dans ma tête des images de vagues, ou plutôt de mouvement d’eau sous l’eau me prennent, viennent et s’en vont, avec différentes puissances. Tout ça a durer environ 10-15 min avant que j’atteigne l’orgasme. Orgasme, plus rien à part l’orgasme comme d’habitude indescriptible, sourd, profond, je me réveil, pfiou ! Je l’ai fait ! Envie de rire, j’enlève mes écouteurs, et je descends prendre mon petit déjeuner, j’y pense toute la journée.
Nuit “avec un récit érotique-océanique”
“Cette nuit, je teste la verbalisation d’un fantasme/expériences avec un océan, pour ça j’écoute un récit inventé réalisé spécialement pour l’occasion, de mon expérience avec l’océan, je suis dans l’eau je sens les vagues comme si je me noyais, puis une baleine me remonte à la surface et sur son dos, je sens sa peau glissante et sa respiration, qui permet à certaines vagues de venir s’enrouler sur mon corps, comme au bord de l’eau. Le récit dure environ 10 minutes et fait l’effet escompter. La visualisation intérieur de soi permet d’améliorer l’expérience. J’avais déjà remarqué cela lorsque je m’imaginai un avatar. Il y a donc de grande chance que cela augmente les sensations expérimentales. La possibilité de le réaliser en VR aura probablement un bon effet, puisque le cerveau traite l’expérience comme une réalité, et cela pourra modifier mon expérience.”
Soirée “ en immersion” VR+ sextoys
“Ce soir je teste dans ma baignoire (bain) le LUSH + casque VR avec des vidéos prédéfinis : dauphins, poissons, fonds sous-marin, et un avec un animé (baleine -> pour infos, si je n’ai pas de fantasme sur l’animal, celui-ci me provoque une charge émotionnelle forte, sorte d’empathie, de bien-être, et de frissonnement dans le ventre et la gorge). L’expérience dans l’eau est vraiment intéressante, et je me plonge donc complètement dans l’univers, à en avoir peur lorsque je tourne la tête et aperçoit un énorme plongeur à ma droite, toujours très bizarre d’avoir la sensation d’avoir été observée pendant une masturbation par “un inconnu en combinaison, masque et palmes. L’expérience immersive est donc bien plus intéressante.”
Séance en Caisson d’isolation sensoriel
“Je suis accompagnée par une guidance vocale “devenir l’artiste de sa vie” et je commence avec une lumière bleutée. Mon reflet floutée dans le miroir au dessus, me donne plein d’idées et je me teste à différentes positions et mouvements dans l’eau, c’est assez sympathique de se voir de cette manière, j’ai le sentiment d’être dans une peinture, ou dans un film d’animation. J’ai l’impression que ce reflet que je vois n’est pas moi, ce qui est assez étrange. Avant que la lumière s’éteigne progressivement, je répète à voix haute : l’océan, l’océan, l’océan, l’océan, etc. La lumière s’est éteinte, et je me sens progressivement plongée dans les méandres de l’océan, j’ai l’impression de revivre la scène du film le grand bleu, j’entends le câble m’amener toujours plus bas. Il fait désormais noir, je descend toujours plus profond, là où les poissons lanternes vivent, dans des lieux que personne n’explore. J’imagine des méduses, et des animaux marins nageant très lentement, avec beaucoup de volupté. Je me sens dans mon élément. Comme d’habitude, je ne sais pas si je dors ou si je rêve, je suis dans une sorte d’état paradoxale, qui d’une part développe mon imaginaire, mais d’une autre m'empêche de me conscientiser comme un corps. J’ai l’impression que mon corps n’existe pas qu’il n’y a que mon esprit qui nage en grandes eaux.
Je ressors de l’expérience, très heureuse, vraiment bien dans ma tête dans ma peau, j’ai l’impression d’avoir fait le tri sur plein de chose, et je me sens changée de l’intérieur.”
A fur et à mesure que le projet avancé, mes fantasmes étaient de plus en plus précis, de plus en plus réels. Je les utilisais régulièrement même pendant ma vie sexuelle "plus classique", j'ai désormais un nouvel univers avec lequel je peux connecter dans mes pensées à n'importe quel moment.
Ce fut plus en plus difficile de se livrer sur ceux-ci tant ils alimentaient mon intimité. Même le Rhône, par ma fenêtre d'appartement me faisait de l'oeil.
Bref, vivement l'été que j'aille lui rendre visite en Bretagne.
Comments